Les axes de recherche

L’ÉMERGENCE ET LES DYNAMIQUES POLITIQUES QU’ELLE INDUIT

Cet axe s’attèle à analyser tant la nature de la « transition » qualitative caractéristique de la notion d’émergence que les facteurs qui en sont à l’origine. Si l’idée de l’émergence est venue du champ de la finance dès les années 1980, d’autres disciplines, en l’occurrence la science politique y font de plus en plus référence ces dernières années. Décrivant des puissances en devenir qui, s’appuyant sur leurs performances économiques, s’imposent sur la scène internationale, la notion d’émergence est devenue une thématique centrale pour ceux qui s’intéressent à l’évolution des équilibres mondiaux. Dans la pratique, la notion d’émergence, déclinée sous diverses formes discursives et appellations, est généralement utilisée par des dirigeants politiques en Afrique et ailleurs pour justifier des programmes de développement, de modernisation, et d’amélioration du niveau de vie des populations dans un cadre spatio-temporel défini (exemple : Plan stratégique Gabon Émergent 2025).

Il s’agira par ailleurs d’examiner les dynamiques politiques reliées au phénomène de l’émergence dans les pays (africains et partenaires) qualifiés comme tels. Au sortir de la bipolarité en 1989, il avait été annoncé que les régimes autoritaires évolueraient vers la démocratie et le libéralisme économique. Or cette uniformisation n’est pas intervenue. Le monde émergent comprend ainsi une grande variété de systèmes allant des démocraties de type occidental (Inde, Brésil, Afrique du Sud) à des systèmes mixtes combinant ouverture économique et contrôle politique (Chine, Russie) ou encore en quête de stabilisation (Nigeria, Turquie).  Rentrent donc dans cet axe, des thématiques relatives aux modes de gouvernance dans les espaces en émergence.

L’ENGAGEMENT DIFFÉRENCIÉ DES ÉMERGENTS ET INSTITUTIONNALISATION DES RELATIONS

Deux volets relèvent de cet axe. Dans le premier volet traitant de l’engagement des émergents, nous nous intéressons d’une part, à la diversité des activités des partenaires émergents en Afrique et d’autre part, surtout, à leurs stratégies contrastées. Au demeurant, par-delà la nature commune d’émergent et du désir proclamé de coopération avec le continent africain, il existe des différences importantes en terme d’intérêts économique et stratégiques. En plus des stratégies des États, seront examinées aussi les activités des acteurs transnationaux qui sont parfois, à tort ou à raison, associés à l’État.

Concernant le second volet qui a trait à l’institutionnalisation des relations, on interroge les dynamiques qui amènent les pays émergents et africains à institutionnaliser leurs relations ; les mécanismes de coopération (espace de socialisation, de construction et de diffusion de normes et principes) ainsi que les enjeux susceptibles de découler de cette institutionnalisation tels que les dysfonctionnements, l’asymétrie entre les acteurs ou encore la persistance du bilatéralisme. Depuis 2000, il y a une multiplication des instances de concertation où s’articule la coopération entre l’Afrique et les pays émergents. Cette tendance a donné lieu à des arrangements institutionnels de trois types : bilatéraux dont le Forum Chine-Afrique (FOCAC, 2000), le Forum Corée du Sud-Afrique (KOAFEC, 2006), le Forum Inde-Afrique (2008) et le Forum Turquie-Afrique (2008) ; trilatéraux (Inde-Brésil-Afrique du Sud-IBAS, 2003) ; interrégionaux : le partenariat stratégiques Afrique-Amérique du Sud (2006), le Nouveau partenariat stratégique Asie-Afrique (2005) et, plus ancienne encore, la coopération Afro-Arabe (1977).

LA GOUVERNANCE ET LA RÉCEPTION DE LA COOPÉRATION

Telle qu’on la traite ici, la gouvernance renvoie à au moins deux réalités : la première porte sur l’analyse du contenu des relations entre puissances émergentes et pays d’Afrique et la deuxième étudie la manière dont ces coopérations sont effectivement gérées. Dans la première optique, il s’agit de voir les retombées concrètes (économie, infrastructures, etc.) mais aussi les répercussions de cette coopération. Dans la deuxième optique, on cherche notamment à comprendre dans quelle mesure la gouvernance politique (procédures institutionnelles, rapports de pouvoir, modes de régulation nationales, voire régionales) influence ou non les stratégies de réceptivité desdites coopérations. Les acteurs concernés de la société sont-ils invités à la prise de décision et/ou à la mise en place des actions ? L’élite politique s’approprie-t-elle les ressources fournies par les acteurs émergents dans le but de consolider leur propre autorité -transformant leur État en rentier de la coopération avec le monde émergent- ? L’arrivée des émergents aide-t-elle comme certains le postulent à une renaissance africaine en termes de développement ?

LES ÉMERGENTS, L’AFRIQUE ET LA RECONFIGURATION DE L’ORDRE INTERNATIONAL

Les thèmes de cet axe ont trait à la volonté de recomposition des dynamiques internationales découlant de l’essor fulgurant du monde émergent et de l’élargissement de son poids à l’échelon global. De fait, en s’affirmant sur la scène internationale, les puissances émergentes qu’elles soient asiatiques, sud-américaines, moyen-orientales ou africaines représentent un défi non simplement pour les puissances établies, parce qu’elles transforment –ou du moins demandent à transformer– la configuration du système international. Ainsi, l’ascension de ces forces politiques issues majoritairement des pays en développement conteste la « diplomatie de club » des dominants traditionnels et semble anticiper un ordre non exclusivement occidental. Couplée à la renaissance de la coopération Sud-Sud (forme de multilatéralisme sélectif), cette diplomatie de contestation incite à penser d’autres traditions et manières de penser le monde avec une nouvelle grammaire internationale privilégiant de nouveaux fondements conceptuels.

Ce contenu a été mis à jour le 4 juin 2023 à 9h28.